La différence est subtile entre une psychose et une émergence spirituelle, de même qu’entre la maladie mentale et la sainteté.
L’émergence spirituelle désigne le passage psychique d’une perception egocentrique de l’univers à une perception globale parfois appelée holistique ou transpersonnelle. Ce passage d’un mode à l’autre peut être soudain et s’accompagner d’expériences intenses qui perturbent la vie quotidienne de la personne et son entourage. Bien que présentant les symptômes de la psychose pour les gens rationnels et le corps médical, l’émergence spirituelle est tout à fait normale et saine en autant que le processus — qui dure en général 40 jours — puisse suivre son cours sans être bloqué par l’incompréhension ou les médicaments. Ceux qui utilisent les psychédéliques devraient être au courant de ce phénomène qu’on peut aussi appeler la montée du kundalini. Pour certains le processus est si violent et déstabilisant que la vie en société devient pénible. Cela peut entraîner l’arrêt de travail et un isolement bénéfique au déroulement du processus. Ce n’est donc pas un hasard si Jésus passa 40 jours dans le désert lors de son émergence spirituelle. J’ai rencontré des gens qui ont vécu une telle expérience, mais ceux qui n’ont pas su s’entourer de compréhension et d’ouverture ont séjourné à l’hôpital psychiatrique. Ils sont aujourd’hui traumatisés et craintifs suite aux traitements qu’ils ont subis lors de leur crise ainsi qu’après. Ils se sentent trahis, bafoués, incompris, car au moment où ils auraient eu besoin de douceur et d’ouverture, ils n’ont reçu que mauvais jugements, ostracisme et ignorance, dans les cas plus extrêmes des analgésiques suivis d’un internement.
Il ne faut toutefois pas oublier que tout est reçu selon la forme du récipient. Ainsi, il est mieux de laisser chacun suivre son propre processus et de ne pas s’autoriser à y intervenir intempestivement, à moins que l’individu touché par les désordres mentaux et psychiques nous en fasse la demande expresse ou qu’il cause par sa présence des perturbations dans notre propre vie.
La seule différence entre moi et un fou c’est que je ne suis pas fou.
– Salvador Dalí
Ce n’est pas tout de prendre la navette spatiale et d’être projeté dans notre cosmos intérieur, encore faut-il revenir sur terre sain d’esprit. Pour ceux qui ne se préoccupent pas de l’atterrissage, le retour peut être pénible. Certains croient que seule l’expérience en tant que telle suffit, mais ils ne comprennent pas son sens profond et ils deviennent de plus en plus détachés. La liberté et la grande vélocité psychique que procurent les psychédéliques sont si enivrantes qu’il est facile de se sentir emprisonné par les contraintes du monde physique et les règles qui régissent la société lorsqu’on réintègre notre vie quotidienne. La satisfaction et l’union mystique peuvent dès lors laisser place chez certains à l’inconfort et à la séparation.
Les effets des substances psychédéliques durent beaucoup plus longtemps que les six à huit heures où ils sont le plus faciles à remarquer. Il est bénéfique d’apprendre à travailler avec l’effet résiduel et de s’y laisser porter harmonieusement car chaque expérience déclenche un programme, ou métaprogramme, qui prend parfois plus de temps pour se déplier complètement. Plusieurs expériences à court terme sont parfois nécessaires pour changer les programmes les plus complexes et profonds.
Suite à deux expériences de MDMA faites à une semaine d’intervalle, je suis resté hypersensible à l’invisible pendant deux semaines. Mes communications télépathiques furent si claires que je sentis la folie me lécher telle une flamme. En effet, lorsque la réalité intérieure devient plus vivante et concrète que la réalité extérieure, on a cet étrange sentiment d’être à l’envers de tous, d’avoir accès à un mode de vie miraculeux sans pouvoir l’exprimer aux autres car les psychédéliques ouvrent bel et bien les portes de la perception… et elles ne se referment pas complètement après, pour certains même elles restent grandes ouvertes. L’expérience met en marche la psyché, l’active, l’affole, la suralimente et cette force brute peut parfois débalancer le délicat équilibre de la psyché. Mais la méditation me permet de retrouver mon équilibre psychique, d’intérioriser l’enseignement, de m’observer, de noter les infimes changements qui se produisent en moi.
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