Journal 1996-2000 Nicolas Lehoux

Extrait de Journal 1996-2000, Long et méthodique dérèglement de mes sens

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Qu’est-ce que je crois?

Je relève le défi du criterium. Aucune épreuve ne peut me résister. Mais le criticisme n’effraie pas ma logique. En tant que penseur je pense. Critiquer c’est émettre un jugement. Ne blâmons pas la censure d’exister. Les parasites sont nécessaires au cycle de vie. Je ne suis pas un escobar car ma conscience n’a rien à se reprocher.

Mes escarpins sont souples et soyeux. Tous ces eschatologues qui parlent sans cesse de la fin du monde m’emmerdent royalement. Je les envoie en mission dans l’univers. Objectif: découvrir la vie pour qu’enfin ils cessent de parler de la mort. S’il le faut je les escorterai jusqu’aux frontières de notre voie lactée.

En forgeant on devient forgeron. Alors je vais forger jusqu’à ne plus avoir de force. Je suis formel. Nous n’avons qu’une vie à vivre. Que d’expériences en si peu de temps. Si les singes savaient voler alors je serais un magicien. Je ferais apparaître mes rêves les plus fous. Des femmes nues plein ma maison en train de me sucer. Je ferais l’amour avec elles toute la journée, puis je dessinerais, je les dessinerais et m’en foutrais. Tous les tunnels n’ont pas une issue. L’instruction donne des ailes.

Avec ma plume je grave le mot plurivoque, plusieurs sens, comme moi. Je ne peux qu’écrire sans réfléchir, me vider de ce surplus de mots. Un langage moral sans sous-entendu. La création sans contrainte. Ton sexe dans le mien. Ma bouche sur ton vagin te léchant le clitoris à belle dent. Va-et-vient sans pareil. Mon appareil buccal ne fait plus qu’un avec ton appareil reproducteur. Oui, un enfant pousse pour sortir. Je l’entends crier… il est là, là, là.

La polychromie dans ma vie. Tant de couleur pour si peu de signification. Pourquoi le polydactyle compte-t-il jusqu’à onze? Je te mictionne dessus, ordure, parasite.

Te dire que je t’aime serait malvenu car je ne te connais pas jolie sylphide. Mais une chose dont je suis sûr c’est que tu me plais et que ta beauté m’éblouie. J’aimerais que tu sois ma Vénus. Pourquoi la tristesse revient-elle tout le temps? Pourquoi elle me harcèle, m’houspille?

Je m’arrache les ongles. Je perds mon énergie, mon fluide. Liberté, je veux ma liberté. Quel beau mot. Tous les maux valent ces mots. Je bénis la mort. Je veux tuer mon père. Le décrisser et le jeter dans le fleuve.

Je continue de croire que lorsqu’on croit vraiment en son rêve il se réalise. Mon mot d’ordre: ne plus écouter ces êtres infâmes qui se croient tout permis. Ont-ils la permission d’analyser mes gestes et d’en tirer leur conclusion? Non, et ils ne l’auront jamais. Jamais! Je ne veux plus vous écouter. Détruire tous ces faux phares qui croient me guider. On ne peut se fier qu’à soi. Ça je commence à le comprendre. Ainsi de suite, jusqu’à ce que la mort s’en suive.

Je n’ai pas d’amertume et la violence interne qui m’habitait il y a quelque temps s’est effacée laissant place à une certaine indifférence. Oui, le monde m’indiffère. Tout ce qui m’intéresse c’est l’univers dans lequel je vis et que mon père ne comprend pas et cela ne me dérangerait pas s’il se mêlait de ses oignons.

Oui, je peux vous l’affirmer, l’honneur a cédé place à la détermination. Et mon cœur en est plein. C’est sûr que j’ai de la cruauté mais je vais la surmonter, vaincre enfin mes peurs. Mes objectifs sont fixés et bientôt le ciment sera durci. No one would break in. No one. Determination.

La joie d’avoir un but et de l’atteindre. Je sue comme un cochon pour l’apprécier encore plus. Liberté, je veux te faire l’amour, t’envelopper, te posséder, t’aimer, t’avoir enfin à mes côtés pour sentir ton parfum d’églantine. Toutes ces fleurs ne peuvent égaler la beauté diaphane de ton masque. Tes yeux tournent dans leurs socles. Le vin tourne au vinaigre. La coupe est pleine et je veux la boire.

L’art, lui aussi je veux lui faire l’amour, pénétrer dans son univers, dessiner ces courbes enivrantes. Quelle drogue soûle plus que l’art? J’en suis accroc. Son pouvoir est magique. Je me suis laissé tenter et maintenant la dépendance m’emprisonne. Oui, je veux mourir pour toi, par toi. Une passion brûle mes entrailles. La création dans mes viscères. Mes poumons la respirent ; l’art, cette déesse aux multiples visages.

Le masque est tombé, l’acteur est mort amenant avec lui son personnage. Il ne reste que son âme. On se souvient de l’acteur et on le pleure, l’empêchant de partir en paix. Mails il vit toujours. Il a simplement pris une autre forme qu’ils ne peuvent comprendre. Impossible de rationaliser l’irréel. L’intangible s’envole. Impossible d’y mettre un prix et de l’évaluer. Tout ce qui reste à faire c’est de le laisser partir. Arrêtez de le pleurer et vous rendrez son départ plus facile.

L’intensité du questionnement était harassante comme la mer qui s’assèche, comme la baleine qui meurt au bout de son sang. L’hiver est venu, charriant ses bancs de neige. Il n’est pas terminé mais le printemps arrive. Il fera fondre la neige. Reviendront les hirondelles par milliers, amenant avec elles leur gazouillis gentils. Oui, je l’ai dit, aucune animosité ne m’anime, simplement le détachement d’une structure en commun désaccord avec son environnement. Le départ est proche. La vie va débuter avec ses creux et ses montagnes, sinueuse à en être malade.

J’aime la vie et veux la dévorer. Mais je vais l’apprêter à ma façon. J’ai ma recette personnelle difficile à partager par gourmandise. Plus délicieuse que toute nourriture, même la plus délicate.

Je ne veux pas tuer mon père, simplement suivre mon chemin. Ériger un mur pour ne plus le voir. Mais tout le long aménager des portes dont j’aurai la clé et où une halte sera bienvenue. J’aime ma famille mais ne peux plus vivre en commun avec ses traditions. J’aime démolir toute forme de convention. La tradition est une convention malheureuse. Je démolirai tous les murs devant moi et ne me laisserai plus jamais décourager par mon père ou ma mère. Je vais brûler le miroir pâle qui représente mes racines. La logique oppressante d’un parent qui a trop vécu, tellement qu’il jalouse la fougue de la jeunesse. Sincèrement, j’ai honte mais personne n’est parfait et le bonheur est fragile.

Voilà que l’amour m’a pris par surprise au moment où je m’en attendais le moins. Je ne rêve que d’une chose jour et nuit; c’est d’être avec toi et de te serrer dans mes bras. Je me tais parce que tu me l’avais demandé mais je n’en peux plus de ne pas pouvoir te le dire. Te dire cette courte phrase qu’enfin j’aimerais prononcer, que jamais je n’ai pu prononcer. Je souffre en moi-même en souvenir de ce jour magique où nous nous sommes embrassés, où nos deux âmes se sont touchés.

Une telle envolée littéraire fait généralement peur et moi-même j’ai peur. Je suis comme l’enfant effrayé par son ombre, tremblant de tous ses membres devant l’inconnu qui est si grand, si grand. Oui, j’ai peur, peur de ce vide qui m’habite, rempli d’émotions refoulées, compressées par le travail acharné, flamme intouchable, futur improbable.

Ces lignes qui défilent devant moi m’amènent de belles images. Chagrin, âme meurtrie, fatiguée. L’argent, par son absence m’accable. Elle appesantit mon existence de son dédain. Quand enfin sera venu mon heure?

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Extrait de Journal 1996-2000, Long et méthodique dérèglement de mes sens

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