Carlos Castaneda décrit le concept du point d’ancrage dans ses ouvrages. Aux moments où il s’y attendait le moins, Don Juan s’ingéniait à provoquer chez son élève un changement de son point d’ancrage. En effet, par une tape énergique à un point précis du dos de Castaneda, il arrivait à le mettre dans un état de conscience altérée, lui permettant de Voir au lieu de seulement regarder comme le font la majorité des humains.
Je change souvent mon point d’encrage afin que la routine ne m’endorme jamais. Je demeure alerte à chaque instant tout en étant détaché, mais lorsque la routine a raison de ma vigilance et que j’ai peine à m’ébranler je sais qu’un stimulant pourra m’y aider. Ainsi, je reste prêt à l’action tout en étant capable d’attendre une éternité, semblable au chat qui guette sa proie. Une trop grande vigilance épuise la concentration et nous crispe, tandis qu’un trop grand relâchement ne nous permettra pas d’être assez présent pour attaquer la proie rapidement. Il sera donc bénéfique d’atteindre un état d’attention globale, soit un équilibre dans le déséquilibre. Il convient ici de noter que plusieurs sociétés indigènes se servent d’une petite dose d’un psychédélique pour augmenter la performance de leurs chasseurs. Cela a pour effet direct de favoriser leur concentration et de rendre leur vision plus précise, et donc de faire d’eux de meilleurs chasseurs.
J’utilise occasionnellement la marijuana pour briser la routine. J’aime bien fumer tous les jours pendant une semaine tout en me plongeant complètement dans un nouvel épisode de ma bande dessinée, Abstractions, puis j’arrête quelques semaines et recommence le processus pour qu’ainsi cela ne devienne pas une habitude. Au contraire, je fais en sorte de briser mes habitudes afin d’arriver à voir la réalité plus clairement. Je note donc compulsivement ce que je vois, ce que je sens, profitant de cet instant où mes perceptions sont remises à neuf. Je suis vivant, attentif à tous les détails, les odeurs, les sentiments, sans me perdre dans l’expérience au point de m’oublier. Car en brisant l’habitude je déchire le voile qui menace d’obscurcir ma vision. « Découvrir, disait Arthur Koestler, c’est bien souvent dévoiler quelque chose qui a toujours été là, mais que l’habitude cachait à nos regards. »
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