Le Délit

4 mars 2002

Timothée Barrière

Dans l’ambiance de caveau parisien de Café Sarajevo, où le café turc remplace avec joie le café filtre Starbuck’s, se retrouve tous les mardis soirs chansonniers, poètes et simples amateurs pour des jams-sessions francophone. Lieu d’échange, de partage et endroit idéal pour faire apprivoiser la scène aux débutants, il reste encore mal connu et mérite notre attention. Entrevue avec ‘Kola, principal organisateur et animateur de l’événement, où s’expriment l’enthousiasme et les inquiétudes d’un des acteurs du renouveau de la scène québécoise…

Le délit: D’où vous est venue l’idée de ces micros ouvert?

‘Kola: Ça fait deux ans que j’ai commencé à faire de la musique au niveau professionnel et je me suis rapidement rendu compte que c’est très difficile pour un artiste peu connu de trouver des places pour jouer, vu que les boîtes à chansons ne programment que des chansonniers établis. De plus, il n’y a pas vraiment de tremplins pour les nouveaux auteurs-compositeurs francophones, alors qu’il existe un réseau mieux organisé sur la scène anglophone… Le principe de base des micros ouverts est que les nouveaux artistes peuvent trouver un public et en même temps se rencontrer entre eux pour collaborer, faire un jam, pour mieux se serrer les coudes en définitive. J’aimerais bien être un incubateur, un catalyseur de ce renouveau, et en plus je peux profiter de mon baccalauréat en «gestion des affaires» pour essayer de gérer tout ça, ce qui manque parfois à certains artistes… même si cela ne va pas sans problèmes!

Le Délit: J’ai vu que vous aviez eu des ennuis avec les bars qui vous accueillaient et que vous avez dû déménager souvent, c’est de ces problèmes là dont vous voulez parlez?

‘Kola: Oui.. et pas seulement ceux-ci. D’abord, beaucoup de bars nous ont manqué de respect parce que pour eux, les micros ouverts ne rapportaient pas assez d’argent, et comme ils étaient trop intéressés par le chiffre d’affaire, nous étions obligé de changer de d’endroits. Au moins, ici (au Café Sarajevo) on se sent en famille et l’ambiance est beaucoup sympa. Mais les autres problèmes viennent de la Guilde, le syndicat des musiciens francophones, qui veut nous empêcher de jouer. Par exemple, les micros ouverts sont à la limite de la légalité: il faudrait que l’on respecte les critères de la Guilde qui obligent le gérant du bar à donner 150 dollars à chaque musiciens qui se produit, et c’est évidemment impossible. On devra alors réduire le nombre de musiciens et plus aucune place ne voudra de nous. On essaie de se construire en opposition à la Guilde qui promouvoit les artistes déjà établis, mais qui ne permet pas à la scène émergente de se développer.

Le Délit: Quelles autres alternatives proposez-vous pour les artistes indépendant?

‘Kola: En plus des micros-ouverts, on monte assez régulièrement des shows collectifs (comme le Show’Kola le 7 déc. dernier), pour avoir un impact médiatique plus important. [Le vendredi 28 février s’est déroulé au Medley un concert spécifiquement contre la Guilde] Enfin, on envisage la création d’une association des musiciens indépendants; pour unir nos forces.

Le Délit: Et vous croyez vraiment au renouveau de la scène francophone au Québec?

‘Kola: Oui, énormément. En fait, ma théorie c’est que ça marche comme un cycle, comme la guerre et la paix. Dans les périodes de guerre, les gens se mobilisent plus et si l’humanité ne semble pas vraiment changer, les hommes ont toujours besoin de chansonniers engagés. On a vu ça dans les années 1950-1960 avec les chansonniers de la grande époque, «l’Ostie d’show» de Charlebois entre autre, puis dans les années 1990 avec «OK, nous v’là» et maintenant, nous revoilà! En plus, récemment, on a expérimenté énormément en musique, avec l’électro et le sample, le hip hop; maintenant, je sens un besoin d’abandonner le superflu, de retourner à la simplicité; c’est ce qu’apportent les chansonniers. Ce qui me fait énormément plaisir, c’est quand je vois des musiciens qui avaient abandonné la musique professionnelle pendant 20 ans et qui reviennent s’exprimer aux micros ouverts: ça illustre bien ce renouveau. On fait notre révolution tranquille, enfin même si je ne sais pas comment une révolution puisse être tranquille, mais bon…

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